Le paradoxe du contrôle stoïcien : une trichotomie

Cet article fait suite à celui sur le contrôle. Je voulais préciser le fatalisme stoïcien. Je ne parle pas ici d’un fatalisme apathique d’une personne attendant sur le bord de la route, mais d’un fatalisme actif.

Un fatalisme actif

Quand on invoque la fatalité, on pense souvent au destin, que tout est prévu par avance et que rien ne peut changer le cours du temps. La première pensée des profanes serait que la philosophie stoïcienne est une philosophie apathique, ne prônant ni succès, ni richesse, ni gloire. Oui et non.

Le Stoïcisme invite à se détacher de ces vaines poursuites lancée par l’égo et ne menant à rien. La philosophie stoïcienne nous pousse de toute manière à moins rechercher ces objectifs. Elle nous pousse à rechercher la tranquillité et le bonheur avec pour seul terrain d’exercice soi-même.

Pourtant les stoïciens n’étaient pas sur le côté de la route, tranquilles, à attendre que la vie passe. Certains créaient et dirigeaient des écoles de philosophie, Marc-Aurèle était empereur et Sénèque était considéré comme l’homme le plus riche de Rome. La philosophie Stoïcienne accompagne les Hommes d’action et ceux qui en doutent n’ont rien compris.

Cependant, toute action comme la réussite de votre entreprise ou de votre aventure amoureuse ne dépendent pas seulement de vous. D’autres facteurs totalement extérieurs comme le marché ou la concurrence peuvent s’interposer entre vous et votre objectif.

La frontière du contrôle est souvent mince. L’accomplissement de nos objectifs ne dépend pas toujours de nos seules capacités : des événements imprévisibles peuvent vous barrer la route.

Je me suis moi-même retrouvé face à cette problématique. En créant ma société, j’ai tout donné, pensant que tout dépendait de moi, que j’étais le seul responsable de mon objectif. Quand ça ne fonctionna pas comme prévu, qu’ai-je fait ? J’ai redoublé d’efforts en m’obstinant à atteindre ce but tant désiré. Le résultat fut un burnout ou presque avant mes 25 ans. Pourquoi ?

Ce n’est pas l’intensité de mes efforts qui m’ont causé du tort mais plutôt ma propre perception de mon objectif. Ce n’est pas l’échec mais la surcharge émotionnelle liée à l’obsession de la réussite qui tue. Pas le travail, ni le stress ou l’échec. Mais ce n’est pas une raison pour se déresponsabiliser et attendre. Que devons-nous faire ?

Nous devons accepter la dichotomie du contrôle et accepter tout ce qui arrive comme une fatalité. Ne pas désirer plus de succès mais désirer l’action, désirer le succès du process.

La trichotomie du contrôle

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L’auteur de A Guide To The Good Life, William Irvine, ne nous propose pas une représentation simpliste presque manichéenne du monde mais plutôt une dichotomie relative. Il y a des choses sur lesquels nous avons un pouvoir, d’autres sur lesquels nous n’en avons aucun et enfin d’autres sur lesquels nous avons un pouvoir relatif.

Ce n’est pas parce que l’on possède peu que l’on est pauvre, c’est parce qu’on désire plus. Qu’importe combien cet homme possède en banque ou dans ses greniers, ce qu’il engraisse de troupeaux, ce qu’il touche comme intérêts, s’il dévore en espoir le bien d’autrui, s’il suppute non ce qu’il a acquis mais ce qu’il voudrait acquérir! – Sénèque

La relativité de notre pouvoir dépend de notre intention. C’est de cette dernière dont dépendra notre appréciation de notre contrôle. Posez-vous la question de ce que vous voulez faire. Arrêter les guerres ? Créer une entreprise prospère ? Devenir heureux en couple ?

Sénèque disait „Qui ne sait pas vers quel port il doit tendre n’a pas de vent qui lui soit bon. “. Nous devons nous fixer des objectifs, toute personne ambitieuse le sait. Cependant, ces objectifs ne doivent pas porter sur ce que nous souhaitons dans la vie mais sur ce que nous pouvons faire pour l’avoir.

Comme le dirait Gary Vaynerchuck : « Trust The Process ». Notre objectif ne doit pas porter sur le fait de devenir quelqu’un ou d’avoir quelque chose mais sur l’action, sur le « faire ». Vous voulez une entreprise prospère ? Que pouvez-vous faire ? Oubliez votre objectif final, concentrez-vous sur l’action et soyez satisfait de bien mener ces actions. Votre objectif doit être la réalisation répétée des actions à mener.

Vous ne pouvez ni totalement contrôler la croissance de votre activité, ni l’obtention de réponses positives de la part de vos prospects. Vous ne pouvez contrôler que le nombre de clients que vous appelez chaque jour, que le système de feedback que vous mettez en place pour améliorer vos procédures. Nous n’avons de pouvoir que sur nous et notre état émotionnel pendant la réalisation ces actions et sur notre attente de résultats. Il est impératif de mener à bien toute ces actions en sachant que nous n’arriverons peut-être jamais à nos fins, peut-être que notre société ou notre relation ne fonctionnera jamais : cela ne dépend pas de nous et comme le dirait Epictète, c’est idiot de troubler sa tranquillité pour ces choses.

C’est d’ailleurs là tout le paradoxe du stoïcisme, nous souhaitons atteindre la sagesse, devenir le sage stoïcien barbu dans sa toge blanche tout en sachant que nous ne parviendrons jamais à y arriver.

Tout ce que nous pouvons espérer c’est de se lever chaque jour pour accomplir ce qui doit être fait, méditer ou annoter son journal, appliquer les principes stoïciens de la meilleure manière qu’il soit.

La seule chose que l’on peut faire c’est souhaiter chaque jour de nous rapprocher de notre objectif tout en gardant à l’esprit que nous n’y parviendrons peut être pas car nous n’avons aucun contrôle sur son accomplissement.

La clé de la tranquillité repose sur notre perception des éléments extérieurs et notre réaction à ceux-ci.

Supprime la présomption, tu auras supprimé : « On m’a fait tort ». Supprime : « On m’a fait tort », le tort est supprimé. – Marc-Aurèle

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