La dichotomie du contrôle : est-ce en votre pouvoir ?

« Des choses qui dépendent de nous et de celles qui n’en dépendent pas ». Les entretiens d’Epictète commencent sur cette phrase et ce n’est pas pour rien : voici peut être l’aspect majeur du stoïcisme nous invitant à changer notre perception du monde.

La pratique stoïcienne nous demande de déterminer constamment ce que nous pouvons contrôler et ne pas contrôler. Dans la vie, il y a des choses sur lesquelles nous pouvons agir pour faire évoluer, pour changer les règles, pour améliorer. D’autres ne sont aucunement sous notre emprise, nous sommes à leur merci.

Nous n’avons aucun pouvoir sur la grande majorité des choses et c’est un problème. C’est un problème dans la mesure où nous établissons en permanence des attentes par rapport à des éléments sur lesquels nous n’avons aucun contrôle.

En quête de tranquillité, les sages grecs se sont très vite rendus compte que le mal-être dépend essentiellement de la différence entre nos attentes et la réalité survenue. Quand nous espérons sincèrement que les événements hors de notre contrôle se concluent d’une certaine manière, quand nous espérons que les personnes agissent selon nos désirs, nous nous exposons à l’incertitude, nous nous exposons à une différence plus ou moins grande entre nos expectatives et la réalité : notre bonheur et notre tranquillité ne dépendent plus de nous.

Notre stabilité émotionnelle, notre bonheur résultent alors du bon vouloir du monde, de notre entourage de la pluie et du beau temps. Une fois cela dit, les stoïciens ne nous laissent pas sans armes : nous pouvons reprendre le pouvoir grâce au seul élément sur lequel nous avons un contrôle total : notre raison.

La première étape de notre pratique stoïcienne sera de déterminer ce que l’on peut changer puis de se décharger complètement, intellectuellement et émotionnellement, des affaires sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir et se concentrer sur les choses que l’on peut changer.

Qu’est-ce qui est à moi et qu’est-ce qui n’est pas à moi ? Qu’est-ce qui est en mon pouvoir et qu’est-ce qui n’est pas en mon pouvoir ? Je dois mourir. Dois-je donc le faire aussi en gémissant ? Je dois être emprisonné. Et aussi me lamenter ? Je dois partir en exil. Qu’est-ce que qui m’empêche de partir en riant, joyeux et tranquille ? – Epictète

Pouvez-vous le changer ?

C’est difficile à définir. Mon objectif n’est pas de vous donner des définitions précises de ce vous pouvez contrôler ou non mais plutôt de vous aider à conceptualiser cette dichotomie. Par l’exemple, je souhaite vous aider à identifier les différences qui la définiront.

Le maître intérieur, quand il se conforme à la nature, envisage les événements de telle sorte, qu’il puisse toujours, selon la possibilité qu’il en a, modifier sans peine son attitude envers eux. – Marc-Aurèle

Qu’est-ce qui est sous votre contrôle ? Votre personne, vos émotions, la manière dont vous agissez, vos objectifs personnels. À l’inverse, vous n’avez aucun contrôle sur la réaction d’un interlocuteur, sur le traffic routier, sur les événements du monde et même sur la réussite de votre propre entreprise.

Vous ne contrôlez pas l’événement mais votre réaction à ce dernier. Si votre femme vous trompe, vous ne pouvez rien y faire, seulement contrôler les émotions que vous ressentirez et le manière dont vous réagirez. Vous laisserez-vous consumer par la colère ou la tristesse ? Seul vous et votre raison pourront en décider.

Pour notre tranquillité intérieure, les stoïciens nous recommandent de passer sur les événements incontrôlables, d’adopter une attitude fataliste face à ces derniers. J’aime ce que dit Nassim Nicholas Taleb dans ce qu’il appelle l’asymétrie de Sénèque.

Une vie intelligente tient toute entière à la recherche d’une position émotionnelle de ce type pour éliminer la douleur cuisante du préjudice, ce qui revient, comme nous l’avons vu, à faire mentalement son deuil de biens matériels de façon ce que leur perte ne cause aucune douleur. Dès lors, la volatilité du monde ne vous affecte plus négativement.- Taleb

En adoptant la dichotomie du contrôle, la philosophie stoïcienne prône un fatalisme face à ce que nous ne contrôlons pas pour nous permettre de vivre dans le bonheur, un bonheur ne dépendant que de nous, de nos émotions et réactions que nous avons décidé d’avoir face aux éléments extérieurs.

Photo de couverte de Rohan Makhecha.

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